Traité de Montmartre

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Traité de Montmartre
Langue Français
Signé
Abbaye de Montmartre, France
Parties
Parties Royaume de France Duché de Lorraine
Signataires Hugues de Lionne, pour le roi Louis XIV Charles IV

Le traité de Montmartre est un traité signé à l'abbaye de Montmartre, le , entre le duc de Lorraine, Charles IV, et Hugues de Lionne, pour le roi de France, Louis XIV.

Il fait suite au traité des Pyrénées de 1659 par lequel il est libéré et le traité de Vincennes qui permet au duc de recouvrer le duché de Bar.

Contexte[modifier | modifier le code]

Pendant la guerre de Trente Ans, à partir de 1633, Charles IV, duc de Lorraine du chef de sa femme Nicole de Lorraine, fille du duc Henri II de Lorraine, se range du côté de l'empereur du Saint-Empire romain germanique Habsbourg. La riposte du roi de France Louis XIII est immédiate. Le cardinal de Richelieu fait occuper les duchés de Lorraine et de Bar en août 1633, Nancy se rend le , et contraint le duc à prendre le chemin de l’exil en . Jean de Galard de Béarn, comte de Brassac, est nommé par le roi gouverneur de Nancy et lieutenant général de la Lorraine entre 1633 et 1635 et impose aux nobles lorrains de prêter fidélité au roi. Charles IV est un général brillant pendant ce conflit mais changeant au gré de ses intérêts personnels. Ses changements inquiètent les Espagnols qui finissent par l'arrêter le à Bruxelles et à l’emprisonner à Tolède jusqu'en 1659[1]. Pendant cette période vont se conjuguer pour la Lorraine le jeu d'influence de la France et de l'Espagne et la discorde entre les membres de la famille ducale dont les intérêts sont divergents et s'opposent à l'inconstance des ordres de Charles IV. Pendant cette période, les Espagnols vont reconnaître le frère du duc, Nicolas-François de Lorraine, comme le véritable souverain de la Lorraine. Charles IV se montre alors jaloux de la popularité de son frère. En juillet 1655, Charles IV signe un traité avec l'Espagne par lequel il lui cède ses troupes, mais Nicols-François s'y oppose. Philippe-Emmanuel de Ligniville, commandant en chef des armées de Lorraine, reste prudent, mais finalement il décide de se battre sous les ordres de Louis XIV jusqu'à la libération du duc à la signature du traité des Pyrénées.

De retour de sa captivité, Charles IV s’attarde à Blois puis va à Paris. Il négocie avec le cardinal Mazarin le traité de Vincennes signé le qui lui permet de recouvrer le duché de Bar en laissant une bande d'une demi-lieue pour permettre le passage des troupes du roi entre Metz et l'Alsace et entre Metz et Verdun. Le cardinal Mazarin meurt le . Son neveu Charles de Lorraine est arrivé à Paris en 1661. Il a alors 18 ans. Son oncle s'en méfie car il pourrait réclamer le duché de Lorraine suivant les usages de l'ancienne règle de succession de Lorraine, comme fils de Claude-Françoise de Lorraine sœur de Nicole de Lorraine morte en 1657, avant que Charles IV impose la loi salique en 1625[2]. Trois mariages ont été envisagé pour lui : avec Marie Mancini, nièce du cardinal Mazarin, mais le cardinal s'y opposa, puis Mademoiselle de Montpensier, la Grande Mademoiselle, mais Louis XIV n'y était pas favorable, enfin Mademoiselle de Nemours, fille du duc de Nemours, Charles-Amédée de Savoie-Nemours[3]. Cette dernière union souhaitée par la reine-mère Anne d'Autriche qui a aussi l'accord du roi. Cette solution ne fut pas approuvée par la famille de Guise, branche cadette de la famille de Lorraine, dont le duc de Guise, sa sœur, Mademoiselle de Guise, et Marguerite de Lorraine, sœur de Charles IV et seconde épouse de Gaston d'Orléans, qui souhaitait lui voir épouser une de ses filles, Marguerite-Louise d'Orléans. Cette dernière devant épouser le grand-duc de Toscane Cosme III, le prince Charles l'accompagne jusqu'à la frontière. Charles IV a quitté Paris pour Épinal début août. Avant de partir pour la Lorraine le [4], le price Charles donne le pouvoir au duc de Guise pour signer en son nom le contrat de mariage avec Mademoiselle de Nemours. Ce qui est fait à Fontainebleau le . Comme il faut l'accord du duc de Lorraine, Charles IV revient à Paris mais, irrité et jaloux de la liaison du prince de Lorraine avec Mademoiselle de Nemours, il avait le but de s'y opposer. Le roi lui donna ordre d'accepter ce mariage le . Il y eut une discussion sur la réalité des deux millions de livres que devait apporter en dot Mademoiselle de Nemours. Par ailleurs, Charles IV a essayé d'avantager son fils né hors mariage, Charles-Henri de Lorraine-Vaudémont. En décembre 1661, on rapporte au duc Charles IV les desseins de son héritier légitime contre lui.

Le dépit du duc, ses mauvais rapports avec son neveu[5], les menaces du roi, et l'influence de ses cousins, les Guise, en particulier de Mademoiselle de Guise, opposés au mariage avec Mademoiselle de Nemours, vont progressivement le convaincre de l'intérêt de céder le duché de Lorraine au roi. Mademoiselle de Guise justifie ce choix en montrant qu'il pourrait tirer des avantages de cet abandon. Les Guise étaient particulièrement intéressés par le titre de prince du sang[6],[7]. C'est Charles IV qui a alors proposé à Louis XIV de lui céder ses États. Le roi intéressé par l'acquisition pacifique du duché demanda à Hugues de Lionne d'entreprendre les discussions pour ce traité. Lionne demanda son avis à Jean-Baptiste Colbert[8], en particulier sur la partie financière du traité. Colbert y introduit une réserve importante concernant les princes du sang de la Maison de Lorraine en les limitant à deux. Le texte finalement adopté limite le nombre à quatre : le duc Nicolas-François, le prince Charles, le duc de Guise et le duc d'Elbeuf. Cependant le duc Nicolas-François de Lorraine et le prince Charles ayant eu vent de ces négociations sont venus le à l'hôtel de Lorraine avec deux notaires pour engager Charles IV à ne rien signer qui puisse porter atteinte à leurs droits. Le roi reçut une copie quelques jours après et en conçut une colère[9]. Le lendemain , le duc Charles IV se rend à l'abbaye de Montmartre[10] pour apposer sa signature au bas du traité. Lionne représentant le roi. Le prince Charles a quitté la cour dans la nuit du 7 au 8 février pour gagner Besançon d'où il écrit le une lettre de protestation à Louis XIV. La clause sur les princes du sang devaient au préalable être vérifiée et enregistrée par toutes les cours du royaume. Louis XIV a amené le traité en personne au parlement de Paris pour le faire enregistrer avec une clause supplémentaire. Le Lit de justice est convoqué pour le [11]. Charles IV protesta le contre la modification du traité. Le , Charles IV a signé le contrat de mariage de son neveu et lui a assuré l'héritage des duchés. Le , par procuration de son fils, le duc Nicolas-François a épousé Mademoiselle de Nemours. Le , la Cour souveraine de Nancy a déclaré ce traité nul et de nul effet.

Dès Colbert faisait signifier aux receveurs lorrains qu'ils doivent cesser la levée des contributions. Son frère cadet, Charles Colbert de Croissy, intendant d'Alsace et intendant des Trois-Évêchés, reçoit la commission « pour la direction générale des revenus de Lorraine » et s'installe à Nancy pour procéder à la répartition de l'impôt. Le roi demande la remise de Marsal[12].

Le , Charles IV a fait homologuer et enregistrer par la Cour souveraine de Nancy le contrat de mariage du prince Charles et de Mademoiselle de Nemours. Le , il demande à toutes les cours et tous ses officiers de reconnaître le prince Charles comme son successeur immédiat et de lui prêter le serment de fidélité.

Le roi n'a pas accepté cette manière de voir. Ne voulant pas renoncer à la possession de Marsal et le duc refusant de la lui livrer , il est parti en août 1663 pour la prendre. Ce qui est fait le .

Contenu[modifier | modifier le code]

Le traité prévoit la cession par le duc Charles IV du duché de Lorraine au roi Louis XIV à condition d'en conserver la souveraineté sa vie durant, d'être reconnu prince du sang et de recevoir une rente annuelle d'un million de livres.

Réactions[modifier | modifier le code]

Dès que les termes de ce traité ont été connus, il a provoqué de vives réactions tant de la part des Lorrains que de la cour de France. Les premières ont concerné la possibilité qu'avait le duc de céder ses États dont il était prince souverain par la grâce de Dieu. Les secondes des princes du sang qui ne voulaient pas reconnaître au roi la possibilité de créer à sa fantaisie des princes du sang[13].

À la suite du traité de Marsal fait le entre le roi et le duc le traité de Montmartre était lettre morte. Le roi restitua au duc de Lorraine la jouissance de ses États à l'exception de Marsal. Mais en , le duc est chassé de Nancy par les Français qui occupent la Lorraine. Après la mort du duc Charles IV, en 1675, on songe à mettre en application le traité de Montmartre. Avant la signature des Traités de Nimègue, le roi cherchant les accommodements avec l'empereur qui soutenait la Maison de Lorraine, le traité de Montmartre a été définitivement périmé, mais Louis XIV n'a pas reconnu Charles V de Lorraine et est resté en possession de la Lorraine.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Il y avait longtemps que les Espagnols étaient las de ses façons de faire, qui étaient tout à fait extraordinaires : car quoiqu’il fût à leur service, il voulait agir à sa mode, sans avoir égard aux ordres qui venaient d’Espagne, tellement que son armée lui était plus à charge qu’utile. Dès qu’il n’était pas content d’eux, il feignait de faire son accommodement avec la France et leur donnait toujours de la jalousie de ce côté-là. Mais ce qui acheva de le perdre fut le prince de Condé, avec lequel il ne pouvait s’accorder, tant pour le commandement que pour le rang, qu’ils ne se voulaient pas céder l’un sur l’autre ; et les Espagnols, espérant le rétablissement de leurs affaires par la valeur et conduite du prince, lui sacrifièrent aisément le duc de Lorraine, qu’ils gardèrent quelque temps à Anvers, d’où ils le firent mener à Dunkerque, et l’embarquèrent dans des vaisseaux qui le portèrent en Espagne. » (Mémoires de François-de-Paule de Clermont Montglas, 1654, p. 299)
  2. Zeller 1912, p. 13, note
  3. Zeller 1912, p. 10
  4. Zeller 1912, p. 11
  5. Joseph-Othenin-Bernard de Cléron d' Haussonville, Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, t. 3, Paris, Michel Lévy frères libraires-éditeurs, , 2e éd. (lire en ligne), p. 102, note
  6. Zeller 1912, p. 17-20
  7. Joseph Fr. Michaud et Jean-Joseph-François Poujoulat, « Mémoires du comte de Brienne », dans Nouvelle collection des mémoires pour servir à l'histoire de France depuis le XIIIe siècle jusqu'à la fin du XVIIIe, t. 3, Paris, Éditeur du commentaire analytique du code civil, (lire en ligne), p. 165-168
  8. Zeller 1912, p. 21-23
  9. Zeller 1912, p. 29, 65-66
  10. Françoise-Renée de Guise est abbesse de Montmartre depuis 1657.
  11. Zeller 1912, p. 30
  12. Zeller 1912, p. 46-47
  13. Louis de Courtenay, Protestation de M. le prince de Courtenay et de MM. ses enfans, faite entre les mains du roy, pour la conservation des droits de leur naissance, le 13 de février 1662, , 5 p. (lire en ligne)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Galeazzo Gualdo Priorato, « Recueil de diverses matières concernantes le Sr duc de Lorraine : Traité du duc Charles de Lorraine avec le roi Très-Chrétien, du 6 février 1662. Remonstrance de Monsieur le Duc François de Lorraine au Roy Très-Chrétien. Interpellation de Monsieur le Duc François de Lorraine à son Altesse. Lettre du duc Charles de Lorraine au Roy. Lettre du Duc Charles à Mr le premier Président du Parlement de Paris. Lettre escrite au Roy Très-Chrestien par Mr le prince Charles de Lorraine. Lettre de Monsieur le Prince Charles de Lorraine à Messieurs de l'ancienne Chevalerie de Lorraine. Articles du Traitté de Marsal fait le premier septembre 1663 », dans Histoire du traitte de la paix conclue sur la frontiere d'Espagne et d France en l'an 1659 où l'on void les Condérences entre les deux premiers ministres, avec un journal de ce qui s'y est passé de plus remarquables : aussi un recueil de diverses matières concernantes le Sr. Duc de Lorraine, Cologne, chez Pierre de La Place, (lire en ligne), p. 34-61, voir aussi Jacques Lelong et Fevret de Fontette, Bibliothèque historique de la France tome=3, Paris, Imprimerie de Jean-Thomas Herissant, , 2e éd. (lire en ligne).
  • Joseph-Othenin-Bernard de Cléron Haussonville, Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, t. 3, Paris, Michel Lévy frères éditeurs, (lire en ligne), p. 135-174.
  • Gaston Zeller, « Le traité de Montmartre (6 février 1662) d'après des documents inédits », Mémoires de la Société d'archéologie lorraine, t. 62,‎ , p. 5-74 (lire en ligne).
  • Anne Motta, « Conflits d’honneur : (in)fidélités nobiliaires dans la Lorraine ducale (1624-1675) », dans Penser et vivre l'honneur à l'époque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 388 p. (ISBN 978-2-7535-1390-7, lire en ligne), p. 201-217